Sabine Pirolt

Journaliste reporter
Pauvreté

Bienne: capitale de l’aide sociale

Pourquoi Bienne détient-elle le record de personnes à l’aide sociale? Enquête auprès de ceux que l’Etat entretient.

PARC HEUER. Cet endroit est le fief des toxicomanes et des alcooliques, nombreux à toucher l’aide sociale. En 2013, dans le cadre de la répartition des charges, la ville a facturé 78,7 millions au canton de Berne pour l’aide sociale. (© Guy Perrenoud)

Grand et bien bâti, la chemise repassée et la voix posée, Philipp Lüthi raconte son histoire. A 33 ans, il touche l’aide sociale depuis trois ans. Ce n’est pas la première fois. De 2001 à 2005, il a déjà connu une période sombre. Philipp fait partie des 11,4% de la population biennoise (5910 personnes) qui dépendent de l’Action sociale pour vivre. La capitale seelandaise détient un record peu envié: celui du nombre le plus élevé d’assistés en Suisse. La Chaux-de-Fonds la rejoint pour la première fois en 2012 (derniers chiffres à disposition). Qui sont ces gens et quel parcours les a amenés à une telle situation? Pour comprendre, L’Hebdo a rencontré douze Biennois qui ont accepté de parler de leur vie.

Longue période de chômage avec cette angoisse lancinante d’arriver en fin de droits, suivie par une dépression, des problèmes d’alcool et des ennuis de santé pour Alain*. Manque de formation professionnelle pour Nicole* l’Africaine et Agit* le Kurde. Ce père de trois enfants qui était paysan – avant de fuir son pays et d’arriver en Suisse il y a huit ans – parle encore mal l’allemand et ne trouve pas de travail. Mystérieuse maladie qui l’empêche de finir son apprentissage d’ébéniste pour Pascal, 26 ans. Problèmes de drogue résolus durant huit ans et revenus à l’occasion de tensions familiales pour Didier qui se dit «jaloux de ceux qui travaillent». Sortie de prison pour Nassir qui a fait dans le trafic de drogue et les bagarres. Triste fin de parcours après une longue activité en tant qu’indépendant pour Jean-Pierre*, âgé de 62 ans. Burn-out suivi d’une rencontre avec l’héroïne pour Franz, qui avait une petite entreprise florissante. Jean-Pierre résume un sentiment partagé: «C’est la HONTE d’être au social. Les gens ne comprennent pas. Ils pensent que nous sommes tous des profiteurs, des flemmards. Parfois je raconte des mensonges à d’anciennes connaissances. Je dis que je vis des loyers de la maison dans laquelle j’avais mon commerce ou que j’ai gagné au loto.»

«A défaut d’autre chose.»
Philipp, lui, explique ne rien avoir à cacher. Il est né dans un petit village aux portes de Bienne. Une enfance insouciante jusqu’au divorce de ses parents. Il a alors 6 ans. Sa mère change souvent de compagnon. Adolescent un peu rebelle, il se lance dans un apprentissage de cuisinier «à défaut d’autre chose». Il part à Gstaad, dans un restaurant classé au Gault&Millau. Au fil des mois, il est frustré d’être réduit à couper les légumes et à s’occuper des garnitures. «En plus, mon chef était agressif et méchant.» A l’école professionnelle, ça ne va pas fort non plus. Et lorsque, le week-end, il rentre chez son père, l’adolescent ne s’entend pas avec sa nouvelle compagne. «Après deux ans d’apprentissage, j’ai arrêté du jour au lendemain. Je n’en pouvais plus de mes problèmes. Depuis ce jour, je n’ai plus revu mon père.» Il trouve alors un travail à durée limitée dans une grande surface, fait 12 000 à 13 000 francs d’économies et, à 18 ans, reçoit 30 000 francs, l’argent versé durant toute son enfance par ses proches. En six mois, il dépense tout. «Je me suis alors demandé comment garder le même train de vie.»

Mauvaises fréquentations
Commencent les beuveries, les vols et les cambriolages avec une bande de copains. Et la prison avec sursis. «Ma mère n’a jamais su. J’avais tellement honte que, durant dix ans, j’ai coupé les contacts.» A 18 puis à 28 ans, Philipp Lüthi essaie de reprendre un apprentissage de cuisinier. Sans succès. De 2005 à 2010, il enchaîne les petits boulots. Son dernier poste: aide-cuisinier et casserolier. «J’avais les responsabilités d’un cuisinier. Lorsque j’ai demandé une augmentation, ils m’ont dit non. Je suis parti et j’ai chômé. En Suisse, trouver un travail comme aide-cuisinier, c’est difficile. Beaucoup d’Allemands et d’Espagnols acceptent un salaire de 2400 francs. Un Suisse, lui, veut 3800 francs.»

Aujourd’hui, le Biennois avoue avoir un problème d’alcool. Si les quelque 900 francs qu’il reçoit par mois – son appartement et son assurance maladie sont payés par l’assistance sociale – ne lui permettent pas de mener grand train, son luxe, c’est de se payer parfois un verre dans un bar. «Lorsque l’on est à l’aide sociale, les copines que l’ont trouve ne sont pas des femmes “normales”, avec un travail, un appartement, un chat ou un chien. Elles sont du même milieu.» Si le courant passe, Philipp parle très vite de sa situation. Leurs réactions? «Certaines me répondent qu’elles ne sont pas intéressées. L’une d’elles m’a dit: “Si tu fais des efforts et que l’on s’entend bien, il n’y a pas de problèmes”.» Question retour à la vie normale, Philipp se veut résolument positif. Il est persuadé de trouver un travail dans l’année. «Je suis motivé. Je fais une dizaine d’offres d’emploi par mois. Il faut dire que le psy que je vois toutes les deux semaines depuis quatre ans m’aide beaucoup.»

Combien et pourquoi
Les projets de Philip se concrétiseront-ils? Responsable de l’aide sociale à Bienne, Béatrice Reusser constate: «Un des facteurs de risque est le manque de formation professionnelle: c’est le cas de 45% des bénéficiaires. Après chaque crise économique, nous assistons à une hausse du nombre d’habitants qui n’arrivent plus à intégrer le marché du travail. Et comme, à Bienne, les gens n’ont pas d’économies, ils tombent rapidement.» Pourquoi la capitale seelandaise détient-elle ce record? «Il y a un lien direct entre le nombre d’appartements vétustes et bon marché à disposition et le taux élevé d’assistance.» D’autres facteurs expliquent ce record, comme l’a révélé une étude de l’institut de recherche Ecoplan, mandaté par le canton de Berne. Le rapport constate qu’en raison de sa proximité avec l’espace francophone, Bienne compte une forte proportion de population étrangère, dont un nombre important d’Africains, qui ont plus de difficultés à accéder au marché du travail. Ce facteur, combiné à une économie axée sur l’industrie et donc exposée aux fluctuations conjoncturelles, explique que le taux de chômage à Bienne soit plus élevé que la moyenne. En 2012, le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale en Suisse a augmenté de 6% pour atteindre 3,1% de la population. Depuis trois ans, c’est la première fois que les chiffres ont crû. A Bienne, les étrangers représentent plus de la moitié des clients de l’aide sociale. Les familles monoparentales, quant à elles, constituent 20% des dossiers traités.

D’échec en échec
C’est le cas de Nadia, divorcée et mère de deux enfants. Cette jolie Biennoise de 39 ans au caractère bien trempé a grandi à Londres et à La Chaux-de-Fonds. A sa majorité, elle se dépêche de quitter ses parents pour venir s’installer dans la capitale seelandaise. Stage dans une crèche, travail en usine et agence temporaire jalonnent le début de sa carrière. A 20 ans déjà, l’aide sociale complète le salaire qu’elle reçoit durant son stage. Un complément qu’elle continue de recevoir lorsqu’elle trouve enfin un travail qui lui plaît: vendeuse à temps partiel. «Au bout de deux ans, j’ai trouvé un deuxième job, deux soirs par semaine dans un bar. Je me suis également lancée dans une formation de secrétariat en cours d’emploi durant trois ans.» Son diplôme en poche, elle fait un remplacement à la Confédération, puis elle est engagée au secrétariat du Parti radical. Le poste lui déplaît. Malheureuse, elle s’offre des vacances en Thaïlande et en revient enceinte. Elle sera licenciée un jour après la fin de son congé maternité. Sans travail, ni contact avec sa famille, elle tente le tout pour le tout. «J’avais une famille à réunir. J’ai pris mon 2e pilier et mon fils et suis partie m’installer en Thaïlande, où je me suis mariée avec le père de mon bébé, un Thaïlandais.» Les choses tournent mal. Son mari la bat. Au bout de deux ans, c’est le retour en Suisse. «Les services sociaux m’ont aidée. Mais comme je ne trouvais pas de crèche ni de maman de jour, trois places de travail me sont passées sous le nez. De plus, je ne voulais pas travailler à plus de 50 ou 60%. Mon enfant était prioritaire.» Après un stage de six mois à l’Armée du salut, elle cherche à suivre une formation dans le social. «J’ai abandonné mes projets, car je suis tombée enceinte de mon deuxième enfant, d’un autre homme. Nous ne vivons pas ensemble.»

Jugements et incompréhension
Aujourd’hui, Nadia souhaiterait reprendre un emploi à mi-temps. «Je vais vers le mieux. Il y a une année, je sortais de dépression.» Elle regrette le manque de compréhension de son entourage. «J’ai l’impression de devoir rendre des comptes. Un jour, alors que je payais la tournée, une personne m’a dit: “Tu nous invites avec nos impôts!” D’autres m’ont dit que j’étais payée à ne rien faire. Je me suis beaucoup désocialisée pour me protéger de ces remarques.» Bien sûr, la jeune femme comprend certaines réactions. «Mais les gens sont mal informés. Ce n’est pas facile de vivre ainsi. Je dois tout calculer. Tous les jours, j’épluche les publicités pour les actions. Chaque mois, les gens comme moi doivent amener le détail de leur compte en banque. Je comprends que l’on doive montrer les entrées, mais devoir exposer les sorties, c’est très intrusif.» La Biennoise déplore d’autres règles. «Si je pars plus de deux jours, je dois faire une demande pour expliquer où je vais, avec qui, le coût du voyage et les raisons.» Pourquoi tout dire? «L’assistante sociale m’a expliqué que des inspecteurs ont été engagés pour surveiller les gens.»

«Je me sentais épiée.»
C’est justement pour ne plus subir tous ces contrôles que Nicole*, une Africaine de 42 ans, a décidé de ne plus toucher l’aide sociale, quitte à se serrer la ceinture. Cette mère de quatre enfants – bientôt hors du nid – préfère se débrouiller avec un poste à 40% dans les nettoyages, complété par des heures supplémentaires. «Auparavant, j’ai travaillé trois ans dans la restauration. Mon employeur a fait faillite et je me suis retrouvée au chômage.» C’est une modeste rente de veuve – elle a épousé un Suisse dont elle s’est séparée – qui lui a permis de faire le pas. «Les assistants sociaux sont sympas, mais je me sentais épiée. Ils me poussaient à trouver un travail à temps complet, ce qui n’est pas facile. De plus, ne pas être libre de voyager et avoir de fréquents entretiens me gênait. J’ai même reçu une lettre qui m’annonçait le contrôle de mon domicile.» Certaines questions posées à une autre Africaine à l’aide sociale la laissent songeuse. «La responsable de son dossier lui a demandé avec quel argent elle s’était payé une paire de souliers qu’elle estimait coûter 80 francs, et si elle se prostituait.» Nicole le reconnaît: certains compatriotes préfèrent ne pas travailler et toucher l’aide sociale. «S’ils avaient un emploi, ils n’auraient pas plus à la fin du mois, alors ils ne sont pas motivés.»

Traque aux tricheurs
Débusquer les abus, c’est une des innombrables tâches des collaborateurs de l’aide sociale de Bienne. Les assistants sociaux sont plus ou moins motivés. Il faut dire qu’ils croulent sous les dossiers et les tâches administratives. Outre la police, les services des impôts et de l’AVS, un autre moyen de renseignements est efficace: Facebook. Béatrice Reusser explique que certains bénéficiaires leur facilitent la tâche: «Récemment, une de nos clientes y a posté des photos de son mariage au Restaurant du Lac. Nous allons lui demander comment elle a pu se payer une fête dans un tel endroit. Si son mari peut la soutenir, nous n’allons plus le faire.» La Biennoise s’étonne de la naïveté de certaines personnes. «Les gens sont idiots, ils mettent tout sur Facebook. Cela dit, nous travaillons sur une base de confiance avec nos clients. La plupart se comportent bien.» D’autres renseignements parviennent à l’aide sociale par le biais de dénonciations (par exemple des voisins perspicaces ou un ex-conjoint qui a soif de vengeance). Certains font l’objet d’une enquête. Lesquels? «Ceux pour qui nous avons tout essayé, ou ceux qui ont toujours de bonnes excuses pour ne pas travailler et que nous soupçonnons d’avoir une activité au noir.» Dans le canton de Berne, une nouvelle association assure des inspections sociales sur tout le territoire cantonal. Cinq collaborateurs ont été engagés, dont une inspectrice qui travaille de 60 à 80% à Bienne. «Une de ses tâches consiste à vérifier le nombre de personnes qui vivent dans un appartement. Des couples, qui disent s’être séparés, n’occupent qu’un logement et sous-louent le deuxième.» Les sanctions? Une soustraction de 15% du forfait alloué pour l’entretien du ménage (voir tableau), cela pour une durée maximale de douze mois.

Travail au noir
A écouter certains bénéficiaires de l’aide sociale, les tricheurs ont encore de beaux jours devant eux. Ceux qui veulent rester discrets sur l’état de leurs finances ont la tâche facile: il leur suffit de posséder un deuxième compte, dans un autre canton, voire dans une autre ville que Bienne et en évitant les grandes banques. L’argent déposé à l’étranger? Une chimère pour en retrouver la trace. Assis sur un banc du parc Heuer – lieu de rendez-vous au centre de la ville de beaucoup de toxicodépendants et d’alcooliques – Charles* rigole bien lorsqu’il entend parler de l’inspectrice engagée par Bienne. Bouteille de vodka à la main, il commente: «Il en faudrait vraiment beaucoup, des inspecteurs, pour que cela devienne un problème. J’ai plein de potes qui travaillent au black dans la restauration ou dans certains magasins, pour les femmes. D’autres font dans la prostitution ou le trafic de drogue.» A 44 ans, il prétend avoir toujours travaillé comme maçon, au noir, tout en touchant l’aide sociale. «Avant mes problèmes de santé, je maçonnais et coffrais au mètre. Je ne me suis jamais fait coincer. Il n’y a pas de 13e salaire ni de gratification, mais on ne paie pas d’impôts.» Et il n’a jamais eu mauvaise conscience? Regard sidéré par une question aussi idiote. «Je m’en tape complètement, de la société et de ceux qui paient! Ils ne valent d’ailleurs pas grand-chose.» Charles raconte que beaucoup de couples prétendent ne pas être ensemble, car deux personnes seules touchent plus d’argent qu’un couple. Le «gain» est de 230 francs mensuels par individu. Une aberration du système qui fait que la ville paie souvent des appartements en trop.Un autre bénéficiaire raconte le business parallèle pour s’en sortir quand l’argent ne suffit pas pour les besoins d’une famille. «On peut acheter toutes sortes de marchandises à ceux qui volent dans les magasins. Téléphones, parfums, nourriture. On peut trouver le kilo de filet mignon à 10 francs, par exemple. Certains donnent leur liste de courses à faire…»

Honnêteté sanctionnée
Travail au noir, trafic, achat de marchandises volées, Alain, 49 ans, refuse d’entrer dans ce genre de combines. Cela fait dix-huit mois qu’il est à l’aide sociale. Le résumé de son histoire? Une formation de maçon et des années à travailler dans le bâtiment, toujours comme temporaire. Le nombre de missions qui diminue avec l’âge et une reconversion comme représentant. Un emploi dans une petite entreprise, un retrait de permis pour alcool au volant, une bagarre avec un supérieur et c’est le chômage durant deux ans. Alain le reconnaît: «J’ai fait de mauvais choix et j’ai un fichu caractère.» Les jours de chômage passent très vite. «J’ai envoyé 120 ou 130 postulations et passé deux entretiens. Sans résultats.» L’angoisse de finir «au social» augmente et avec elle s’installe la dépression, des problèmes d’alcool et de santé. «J’ai du diabète et de la difficulté à respirer.» Sanctionné pour avoir pris trois semaines de vacances en Afrique avec sa mère – c’est elle qui a tout payé – Alain en a gros sur le cœur. «J’ai été honnête, j’ai dit que je partais. J’en avais besoin, j’étais au fond du trou. Maintenant, ils m’enlèvent 246 francs par mois, jusqu’au remboursement du prix du voyage. Ils estiment que j’aurais dû utiliser cet argent pour mon entretien.»

Cette sanction ne le décourage pas de prendre part à un programme d’occupation. «Cela donnera un rythme à mes journées. D’habitude, je ne me lève pas avant 14 ou 15 heures. Je ne fais pas grand-chose de mes journées. La volonté me manque depuis que je suis au social. Et ce genre de petit boulot, c’est bon pour l’estime de soi. Je dois m’aider moi-même, c’est la seule façon de m’en sortir.» Sa nouvelle occupation de quelques heures par jour lui servira-t-elle de tremplin? A voir. Didier, attachant père de famille qui a intégré un programme de distribution de méthadone, avait lui-même demandé à participer à un programme de réinsertion. Car cela fait deux ans qu’il rêve de trouver un emploi. N’importe lequel. Il aimerait de nouveau se sentir valorisé, ne plus entendre ses enfants, des adolescents qui réussissent bien dans la vie, lui dire qu’il n’a pas envie de travailler. Efficace, le programme de réinsertion? «Pas vraiment. Au début, j’étais motivé. Mais, au fil du temps, je l’étais de moins en moins. Des jours, il n’y avait rien à faire, il y avait de quoi devenir fou. Alors je lisais le journal pendant huit heures.» Didier se dit jaloux des gens qui travaillent. «A 42 ans, avec mon CV qui tient sur une page et mon étiquette “au social”, pour les agences temporaires, je suis déjà un problème. Alors, quand j’entends un jeune qui dit que ça le fait ch… de travailler, je lui dis qu’il a beaucoup de chance. Moi, je m’ennuie à ne rien faire. Et qu’est-ce que je fais lorsque je m’ennuie? Je sors. Et qu’est-ce que je vois? Plein de gens qui sniffent et consomment de la drogue. J’essaie de résister. Et puis je me dit zut! et je craque.»

Des limites
Cela peut arriver à tout le monde. Voilà une phrase souvent prononcée. Difficile de juger de sa pertinence. Seule certitude: il suffit parfois de peu pour qu’une personne dévale la pente, ne rebondisse pas et tombe dans l’engrenage de la dépression, de la maladie, voire de l’alcool, ou des trois en même temps. Lutter devient alors difficile. D’autant que les assistants sociaux sont débordés et n’ont pas le temps de s’intéresser aux états d’âme de leurs clients qu’ils voient à peine deux fois par année, comme le raconte une ancienne collaboratrice. «Les gens sont dans des situations de vie tellement compliquées. Il faudrait avoir beaucoup plus de temps à leur consacrer.» Au lieu de cela, seule la paperasse compte et tout est minuté. «Lorsque les gens pleuraient, je m’énervais, car je savais que d’autres attendaient leur tour dehors. C’est terrible d’en arriver là. Ou l’assistante sociale souffre avec les gens ou elle dit que le système a raison et c’est quand même leur faute s’ils en sont arrivés là. Moi, j’ai démissionné.»

* Prénoms connus de la rédaction

Téléchargez le pdf Paru le 24/04/2014
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Taux d’assistance sociale selon la  nationalité et le sexe (2012) Le risque de dépendre de l’aide sociale est trois fois plus élevé chez les étrangers (6,3%) que chez les Suisses (2,2%). Chez ces derniers, la part des hommes est plus importante que celle des femmes (2,3 contre 2,1%). C’est l’inverse chez les étrangers (6,0 contre 6,6%).

Taux d’assistance sociale suivant la situation familiale En Suisse, selon l’Office fédéral de la statistique, le risque de pauvreté dépend fortement de la situation familiale. Les personnes seules de 65 ans ou plus et celles vivant dans les familles monoparentales sont les plus exposées.

Taux d’assistance sociale suivant l’âge En Suisse, près d’un tiers des bénéficiaires sont des enfants et des jeunes de moins de 18 ans. Parmi les 46-64 ans, la part des assistés est en hausse depuis plusieurs années.

Comparaison du taux d’assistés entre 13 villes Depuis des années, Bienne détient le record du nombre d’assistés, avec 11,4%. En 2012, La Chaux-de-Fonds l’a rejointe en tête du classement, selon les chiffres de l’OFS.

Montants en francs (2013) Ces montants sont recommandés par la Conférence suisse des institutions d’action sociale. Dans le canton de Berne, ils sont plus bas. Une personne reçoit 977 francs, 2 personnes 1495 francs.