Sabine Pirolt

Journaliste reporter
Fureur

Cakes: un sucré business!

Lancer sa petite entreprise en démarrant dans sa cuisine, c’est ce qu’ont fait quatre Romandes, toutes cake designers. Un métier qui monte.

Cakes: un sucré business

Sandra Müller-Jennings. Canadienne d’origine, la cake designer a lancé sa petite entreprise voilà deux ans. Elle donne des cours et vend plus de 2000 accessoires. © Guy Perrenoud

Longs cheveux blonds ondulés et yeux noisette, Sandra Müller-Jennings, 40 a ns, consulte les commandes qu’elle a reçues par e-mail en ce v endredi matin de février. Dans son magasin-atelier de 150 mètres carrés à Evilard, audessus de Bienne, elle offre un choix de 2000 articles, tous consacrés à la confection de cake design, de la pâte à sucre aux colorants en passant par des centaines d’instruments pour créer des décorations. Une vaste pièce jouxte le magasin: c’est l’atelier où elle donne ses cours. Cet art culinaire qui provient des pays anglo-saxons est en pleine expansion en Suisse. Il met la décoration de gâteaux à la portée de presque tout le monde, pour un résultat époustouflant. «Mon business marche très bien: 60% de mon chiffre d’affaires provient de la vente en ligne. Au mois de mars, cela fera une année que j’ai déménagé dans ces nouveaux locaux. Au début, les gens rigolaient, pensant: «C’est son mari qui paie.» Ce n’est pas le cas! Je rembourse mon loyer en une journée de travail.» Comme d’autres cake designers en Suisse romande, cette mère de trois enfants – 8, 6 et 4 ans – a commencé à monter son business dans sa cuisine. C’était en 2010. Aujourd’hui, son chiffre d’affaires a atteint un montant supérieur à un demi-million de francs pour 2012. Elle réinvestit chaque franc gagné.

Des dents aux gâteaux
Pour cette Canadienne qui a grandi au Nouveau-Brunswick, tout a commencé à l’anniversaire de ses 14 ans. Elle reçoit alors un gâteau en forme de piano, instrument dont elle joue. «Il était magnifique. Je me suis sentie la personne la plus importante de la planète. Ce gâteau s’est incrusté dans ma tête.» Dans le village où elle habite alors, impossible de trouver du matériel pour faire pareil. Tant pis. Elle grandit, entreprend des études d’hygiéniste dentaire puis s’engage quelques années dans les forces armées où elle officie comme mécanicien diesel sur des bateaux. C’est lors d’un séjour en Suisse, où elle travaille comme hygiéniste, qu’elle rencontre son futur mari, un militaire professionnel. Elle se marie et l’accompagne une année aux Etats-Unis où il suit une formation. «Comme je n’avais pas le droit de travailler, j’ai pris des cours de cake designer. En une année, j’ai confectionné des dizaines de cakes que mon époux apportait aux 160 officiers étrangers de la base militaire. Je suis rapidement devenue la superstar. J’ai vite compris qu’il y avait quelque chose à développer.» De retour en Suisse, elle se rend compte que les accessoires sont inexistants. Elle passe alors commande à l’étranger et organise des cours qu’elle donne dans sa cuisine. A la naissance de son troisième enfant, elle part trois semaines à Chicago, la Mecque du cake, où elle suit une formation chez Colette Peters, la papesse du cake design.

Décollage
Ce séjour outre-Atlantique terminé, elle fonde sa petite entreprise, Kitschcakes. La propriétaire des magasins Läckerli Huus, qui a découvert ses biscuits, lui commande deux collections. «Cela voulait dire que je devais sortir de ma cuisine, payer des assurances, un loyer, des frais, respecter des règles strictes d’hygiène.» C’est Babette Keller, désignée femme d’affaires de l’année en 2009, qui lui louera son premier local, à Orvin, village où elles habitent toutes deux. «Le loyer était très sympa, un sacré coup de pouce. J’ai travaillé presque jour et nuit.» Ses créations pour Läckerli Huss lui apportent crédit et visibilité. Des émissions de télévision en Suisse alémanique et des articles de magazines spécialisés lui sont consacrés. Très rapidement, elle doit tripler le nombre de cours et engager une assistante pour gérer le matériel qui lui parvient de Grande-Bretagne, des Etats-Unis, d’Afrique du Sud et de Chine.
Pour développer ses affaires, elle demande un prêt de 50 000 francs à UBS. «Ils ont mis trois mois à me répondre non. Pas grave, je les avais déjà gagnés entre-temps.» Aujourd’hui, la Bernoise d’adoption a un objectif: «Je veux un empire. Mon objectif: avoir la plus belle marque d’Europe dans cinq ans. Mes premiers articles sont déjà fabriqués en Chine.»

De Bulle à Genève en passant par Lausanne, nombre de femmes se lancent dans le cake design en professionnelles. C’est le cas de Laura Moser, établie à Genève. Sa spécialité: la création de cakes, de cupcakes ainsi que de biscuits personnalisés et sur commande. Colombienne d’origine, elle a travaillé à New York chez un traiteur de luxe et a pris des cours aux Etats-Unis. En 2004, elle débarque en Suisse avec son mari, qui y est appelé pour des raisons professionnelles. Elle-même trouve un travail chez Louis Vuitton. Elle passe cinq ans au service de la marque de luxe avant de retourner à sa passion: la pâtisserie.C’est dans sa cuisine qu’elle se lance, en 2009. L’été dernier, elle ouvre enfin son atelier. Son chiffre d’affaires annuel: 90 000 francs. «Le prix d’un gâteau vawrie de 230 à 260 francs. Il me faut de trois à six heures par pièce. Je travaille six jours sur sept, parfois jusqu’à 3 heures du matin. C’est une vraie passion.»

Bouche à oreille
Trouver un local pour y confectionner et décorer des cakes, c’est justement le rêve de Valeria Borracino, 36 ans, qui a débarqué à Lausanne il y a deux ans. Les gâteaux sont sa passion depuis qu’elle a 6 ans. Elle travaillait dans le marketing et l’événementiel à Milan quand son mari a trouvé un «bon poste» dans la région lausannoise. Le couple déménage. Valeria, elle, ne retrouve pas d’emploi. Au lieu de se morfondre, elle lance son blog de recettes de cuisine et de gâteaux. Les réactions affluent. Sa modeste cuisine se transforme en laboratoire. Elle découvre la décoration de cakes à l’anglo-saxonne. Aujourd’hui, après une brève formation en Italie, elle donne des cours et confectionne des gâteaux décorés sur commande, grâce au bouche à oreille. Sa spécialité: les personnages en trois dimensions en pâte à sucre, soit des heures de travail qu’elle passe sur la table du salon, recouverte de tout son matériel. «Un gâteau pour dix personnes me prend quinze heures. Je ne gagne pas beaucoup, mais je suis heureuse, car j’ai trouvé ma voie. J’adore voir le visage des gens lorsqu’ils découvrent ce qu’ils ont commandé.»

Pubs & flyers
Son propre magasin d’accessoires, Alexandra Carvalho, Bulloise de 32 ans, mère de deux jeunes enfants, l’a créé en ligne, au début du mois de février. Son stock, elle l’entrepose dans une pièce de la maison. «C’est de la folie: en une semaine, j’ai fait 3000 francs de chiffre d’affaires. Je reçois des commandes de toute la Suisse.» C’est en Australie, pays d’origine de son mari qu’elle a découvert cette tendance. En février dernier, constatant l’ampleur du phénomène lors de vacances sur place, elle se lance, après avoir fait un business plan. Elle surfe beaucoup, apprend les techniques, s’exerce dans son coin, trouve des fournisseurs, met des flyers dans les boîtes aux lettres de Bulle et de la publicité sur Google. Les clientes ne se font pas attendre. «C’est à la portée de tout le monde: il suffit d’avoir de la patience et du temps…»

Téléchargez le pdf Paru dans l'Hebdo du 14.02.2013
A consulter
www.kitschcakes.ch www.laura-moser.com www.walliescakes.com www.cakelicious.ch