Sabine Pirolt

Journaliste reporter
Séparation

Enfants du divorce: les gagnants et les perdants

Avec le nombre des divorces croît celui des enfants devant gérer des univers familiaux multiples ou déchirés. Cela n’est jamais simple, mais pas forcément voué à l’échec. De bonnes surprises sont même au rendez-vous.

Steven 17 ans: «C’est arrivé d’un coup. Ma sœur jumelle et moi, nous n’avons rien vu arriver. Il n’y avait pas de disputes, le ciel était bleu et puis mon père est parti. Nos parents ne nous ont rien dit, nous étions dans le flou le plus total.»
(© Charly Rappo)

«Quand les adultes disent aux enfants qu’ils vont se séparer, ce serait bien qu’ils ne parlent pas comme s’ils avaient des couteaux dans les yeux. C’est important de montrer qu’ils ne vont pas se battre, qu’ils annoncent ensemble la nouvelle et qu’ils essaient de rester amis.» La jeune fille qui prononce ces mots s’appelle Samara. Elle a 11 ans et demi, une silhouette gracile et la maturité des enfants qui ont grandi vite. Ses parents ont divorcé lorsqu’elle avait «6 ou 7 ans». Elle en a beaucoup souffert. «Je pleurais souvent, j’étais angoissée. J’entendais des voix, je pensais même que c’étaient des fantômes. J’allais de plus en plus mal, je ne mangeais plus.» Il lui faudra plus d’une année et l’aide d’un kinésiologue pour reprendre pied. Aujourd’hui, la Biennoise a retrouvé un équilibre. Elle constate: «Comme je vis moins dans un cocon, je me suis endurcie et j’ai la tête moins fragile. Je comprends plus de choses dans la vie. Et j’ai surtout gagné une petite sœur.» L’année passée, l’Office fédéral de la statistique recensait 15 374 nouveaux enfants mineurs de couples divorcés. En 2009, ils étaient 13 789. Des milliers d’enfants qui, comme Samara, vivent la déchirure d’un divorce. Psychologue clinicien, professeur à l’Université Pierre-Mendès-France et auteur de l’ouvrage Les enfants du divorce, Gérard Poussin constate: «Un divorce est toujours douloureux pour les enfants. Il faut compter entre un an et dix-huit mois pour dépasser cette période difficile.»

Une étude conjointe de l’Université de Zurich et de l’Institut Marie Meierhofer pour l’enfant publiée en 2006 et prenant en compte les réponses de 2012 personnes divorcées – parents de 3562 enfants – arrive à cette conclusion: la majorité des couples divorcés et de leurs enfants disent, deux ou trois ans après le divorce, être satisfaits de leur vie. Alors, comment certains couples arrivent- ils à négocier leur rupture avec moins de dégâts pour leurs enfants? Quels sont les gagnants et quels sont les perdants? L’Hebdo a mené l’enquête auprès de spécialistes et interviewé dix-huit «enfants», âgés de 10 à 37 ans, qui vivent ou ont vécu une séparation.

Les gagnants
Quand les cris s’arrêtent. «Les gagnants sont clairement ceux qui vivaient dans une ambiance de pugilat, car leurs parents n’étaient pas faits l’un pour l’autre et se disputaient tout le temps», constate Gérard Poussin. Un soulagement, c’est bien ce qu’a ressenti Boris, étudiant genevois de 17 ans, lorsque ses parents se sont séparés, voici une année. «Ça gueulait tout le temps à la maison, à cause de nous les enfants. Si on ne s’entend plus avec son mari ou sa femme, c’est pire de se crier dessus que de se séparer.» Comment réagissait-il lors des disputes? «Parfois j’intervenais et j’essayais d’arranger la situation. S’il n’y avait rien à faire, je partais dans ma chambre écouter de la musique.» Une année a passé et aujourd’hui, l’adolescent dit se sentir «pas trop mal». «La séparation a fait du bien à mon père et à ma mère. Ils se voient de temps en temps et nous sommes même partis en vacances d’automne tous ensemble.»

Les parents arrivent à séparer couple parental et couple conjugal. En bientôt quarante ans de pratique, le pédiatre et thérapeute familial Nahum Frenck a pu constater que, dans un divorce, on perd toujours des plumes. «Mais on en perd beaucoup plus si on n’arrive pas à séparer le couple conjugal du couple parental. Je donne souvent l’exemple de deux fils électriques différents dans un même câble. Si on coupe le fil rouge – le lien conjugal – et que le fil bleu – le lien familial – continue à fonctionner, les plombs ne sauteront pas.» Idéalement, cette différence entre le statut de parents et celui de conjoints devrait s’établir lorsque l’on vit ensemble, dès la naissance d’un bébé. La première question du pédiatre aux jeunes parents est toujours: quand allez-vous partir en couple en laissant votre enfant à ses grands-parents ou à sa marraine?

Divorcer mais s’entendre
Rester des parents qui s’entendent même si on n’est plus en couple, c’est ce qu’ont réussi à faire la mère et le père de Célia, étudiante de 20 ans. Ils n’ont jamais cessé de dialoguer. Elle avait 4 ans et sa sœur 2 ans et demi lorsque leur père est parti. «Ils ont fait des efforts pour que cela se fasse en douceur. Notre papa venait le soir nous raconter une histoire. Malgré cela, ils m’ont expliqué plus tard que j’ai assez mal vécu leur séparation. Par la suite, ils ont toujours été capables de discuter et de se réunir lorsqu’il y avait de gros problèmes.» Même expérience pour Louis, étudiant vaudois de 21 ans, dont les parents ont continué à parler. Dans un premier temps, son père a déménagé à Lausanne, puis est revenu habiter le Gros-de-Vaud, près de ses enfants. «Le divorce de mon père et ma mère s’est extrêmement bien passé. Aujourd’hui, ils habitent à quelques mètres l’un de l’autre et se voient régulièrement.»

Chic, plus de temps seul avec papa et maman. Avec du recul, Louis constate qu’il a passé plus de temps qu’il ne l’aurait fait avec chacun de ses parents si ces derniers avaient continué de vivre ensemble. C’est un des points positifs que relève Nahum Frenck: «L’enfant va développer une relation à 100% avec papa et à 100% avec maman. Dans une famille intacte, il est rarement possible d’être seul avec l’un des deux. Il faut savoir que de passer un moment seul avec un ou deux enfants est très important.» Sans compter que certains pères, qui consacraient toute leur énergie à leur travail, sont amenés à s’occuper de leur rejeton au moins un week-end sur deux. C’est ce qu’a vécu Guillaume*, étudiant genevois de 23 ans, dont le père est avocat. «Lorsque mes parents vivaient ensemble, jusqu’à mes 12 ans, il n’était pas souvent à la maison. Quand ils se sont séparés, mon père a été forcé de nous voir, ma sœur et moi, un week-end sur deux. Il est très réservé émotionnellement et n’arrive pas à s’investir dans la famille. J’ai pu découvrir qui il était vraiment.» A la tête d’As’trame à Lausanne – une fondation qui vient en aide aux familles en situation de crise – Marie-Dominique Genoud confirme que les professionnels qui animent les groupes de parole entendent de plus en plus de filles et de garçons dire: «J’ai fait des activités avec mon papa que je n’ai jamais faites avant.»

Deux nouveaux mondes
Lorsqu’il y a séparation ou divorce, beaucoup d’enfants ont deux «maisons», deux chambres, font des activités différentes, rencontrent des gens de deux univers différents. Louis a apprécié ces nouveaux rapports humains. «Nous allions chez des amis de la nouvelle compagne de mon père. Nous n’y avions pas de repères et étions plongés dans des situations inconnues. C’est positif comme expérience.» Célia, elle, est ravie d’avoir gagné une petite sœur – la fille de sa mère – et un petit frère – le fils de son père. «Je les adore, même si je n’ai pas la même relation avec eux qu’avec ma sœur, plus proche en âge.» L’étudiante en communication considère comme une richesse le fait d’avoir grandi entre «quatre parents». «Ces nouvelles relations m’ont enrichie. Ils m’ont tous apporté une culture différente et des discussions intéressantes.»

C’est également cette différence entre l’univers de sa mère et celui de son père que Julia*, 14 ans, apprécie. Ses parents se sont séparés alors qu’elle avait 5 ans. «Par exemple, chez ma mère, j’ai un chat, alors que mon père n’aurait jamais voulu un animal. J’ai des activités différentes chez mon père et chez ma mère. Je trouve cette différence positive, sans compter que j’ai gagné deux demisœurs.»

Les perdants
Quand les disputes continuent. «Lorsque les parents continuent de se disputer, alors que, justement, le but du divorce est qu’ils arrêtent de se taper dessus, c’est encore pire pour l’enfant», constate Gérard Poussin. Le psychologue français se souviendra toujours de cette petite fille de 8 ans qu’il a reçue avec ses parents divorcés. «Son père lui a crié devant sa mère: “Mais dis-lui donc à ta salope de mère que tu ne veux plus la voir. Qu’elle continue à sucer les b… de ses maquereaux et qu’elle nous foute la paix.”» Et que dire des enfants qui, pris entre deux feux, entendent leur père ou leur mère critiquer l’autre parent, ou font tout pour empêcher le droit de visite.

De l’avis unanime des professionnels, c’est une des très grandes erreurs à ne pas commettre. Nahum Frenck: «En thérapie, des enfants me racontent qu’ils entendent des phrases comme “tu vas rentrer chez la sorcière” ou “rentre chez ta mère mon pauvre”, ou encore “je te laisse aller chez ton père parce que le juge l’a ordonné”. La plupart des discours sont implicites, c’est dans ces cas-là qu’ils sont les plus destructeurs.» Gérard Poussin explique que toutes les études confirment son expérience clinique. «L’enfant souffre de voir ses parents se déchirer. Chaque agression le blesse dans la partie de lui-même qui s’est construite au contact de son père ou de sa mère. Il est d’autant plus déstabilisé que c’est une personne aimée qui émet ces critiques, sans comprendre la souffrance que cela suscite chez lui.»

Les plus petits 
A quel âge un divorce crée-t-il le moins de dégâts chez l’enfant? A cette question Gérard Poussin répond: «Plus il est petit, pire c’est pour lui.» Moins il est âgé, moins un bambin comprend ce qu’il se passe, moins il a la possibilité de s’exprimer, plus il est fragile et vulnérable. A cela s’ajoute le risque de perdre contact avec le père. «C’est le cas de 40% des enfants de parents divorcés. Et plus une fille ou un garçon est jeune, plus c’est vrai.»

Papa a disparu
Genevois de 18 ans, Jérémy avait 2 ans lorsque ses parents ont divorcé. Si sa soeur aînée a continué, un temps, d’avoir des contacts avec leur père, lui ne l’a revu qu’à ses 14 ans. «Ma mère m’avait fichu à la porte. Mon père m’a permis d’habiter avec lui parce qu’il recevait une allocation enfant pour moi, c’est ce qu’il m’a expliqué. Nous nous parlons à peine. Mes parents, eux, se détestent.» La mauvaise entente entre ses parents ne préoccupe plus le jeune homme qui est à la recherche d’un travail temporaire avant de faire son armée. Il a bien d’autres soucis: «Mon père m’avait averti: “A 18 ans, tu pars.”» Jérémy a eu son anniversaire. «Mon père me met dehors ce soir. Des copains vont m’héberger provisoirement.»

François, Chaux-de-Fonnier de 37 ans, a lui aussi perdu son père de vue au divorce de ses parents. Il avait 6 ans. «Il ne téléphonait même pas aux anniversaires. Il est réapparu lorsque j’avais 10 ou 11 ans.» Pendant une année, François et son frère aîné passent un weekend sur deux avec lui, sur un bateau. Puis, du jour au lendemain, il disparaît à nouveau. «J’avais 13 ans lorsqu’il est réapparu.» Lui a-t-il fait des reproches? «Quand on est petit, on prend ce qu’on vous donne. Par la suite, je l’ai vu régulièrement et nous sommes toujours en contact. C’est mieux d’avoir un tel père que pas de père du tout. Le divorce de mes parents reste une cicatrice. Il ne faut jamais banaliser un tel acte. Mon frère, qui avait 15 ou 16 ans lors de la deuxième réapparition paternelle, a plus mal pris les choses. Il n’a plus jamais voulu le rencontrer.»

Aïe, la famille recomposée
«Les professionnels n’ont pas envie de décourager les gens, alors cela m’embête de le dire, mais la famille recomposée fonctionne très difficilement. Les conjoints ont deux fois plus de risques de se séparer. Ils doivent gérer les problèmes habituels du couple et ceux qui viennent d’avant», constate Gérard Poussin. Sans compter l’assemblage de deux cultures familiales qui peuvent aboutir à des tensions et à des disputes, voire à des règles différentes pour les enfants de l’un et de l’autre.
En Allemagne, un livre – Die Patchwork Lüge – fait beaucoup parler de lui et suscite des réactions indignées. Son auteure, Melanie Mühl, dénonce l’image idéalisée et politiquement correcte que les médias donnent de ces familles. Elle déplore que, dans une société multioptionnelle, les couples se quittent trop facilement. «Etre adulte, c’est prendre ses responsabilités. Lorsque l’on fonde une famille, on ne peut plus avoir accès à toutes les options: un petit flirt par-ci, une petite affaire par-là. Le quotidien n’est souvent pas très romantique.»
A l’instar de Nathalie Fernandez (voir témoignage en page 47), nombre d’enfants vivent très mal une nouvelle séparation, qui a alors un effet cumulatif. C’est le cas de Samara: «Le nouvel ami de ma mère a vécu trois ans avec nous. Je l’aimais beaucoup, il était comme mon deuxième père. Lorsqu’il est parti cet été, j’ai beaucoup pleuré. Il me manque et je suis encore triste. Nous avions plein de projets tous les trois…»

Aie, aïe, aïe la marâtre 
Dans les témoignages recueillis, une personne focalise toute l’attention: la belle-mère. Au XXIe siècle, les contes de Cendrillon et de Blanche-Neige ont toute leur actualité, à un détail près: maman n’est pas morte mais a divorcé de papa. Beaucoup d’enfants sont intarissables lorsqu’ils racontent leurs rapports avec la nouvelle femme ou compagne de leur père. A l’instar de cette fillette de 12 ans qui préfère parler anonymement: «Parfois je la hais. Il lui arrive d’être tellement froide avec moi. Je ne suis pas sûre qu’elle serait triste si je mourrais…» Peut-elle parler de ses sentiments à son père? «Je n’ai pas le courage. J’ai peur que les portes ne claquent.» Julia*, elle, méprise la nouvelle épouse de son père. «Elle ne me parle pas directement lorsqu’elle a quelque chose à me dire, elle passe par mon père, ou fait des reproches à mes deux demi-sœurs avec lesquelles je joue, par exemple. Elle met sa loi partout, mon père, lui, se laisse faire. Elle dit parfois: “C’est bizarre que ta mère te laisse faire ça. Je ne ferais pas comme cela.” Au début, alors qu’elle n’avait pas encore de bébé, elle me prenait comme son enfant. Lorsque mes sœurs sont nées, elle est devenue moins gentille.»
Sans avoir besoin de fouiller dans ses dossiers, Nahum Frenck se rappelle qu’en 2011, il a traité au moins dix situations du type «père de famille, la cinquantaine, qui tombe amoureux d’une femme plus jeune qui n’a pas (encore) eu de bébé». «Le discours de ces jeunes femmes est: “Tes enfants sont mal élevés, ton ex-femme est une horreur, commençons une relation ensemble, mais je ne veux rien savoir de ta vie précédente.” Elles ont tort. Il faut savoir que plus elles respecteront la mère des enfants et ces derniers, plus leur nouveau couple aura des chances de réussite.» Louis, lui, se souvient du passage, dans la vie de sa mère, d’un «beaupère» qui se mêlait de leur éducation. Cela a duré trois ans. «Lui-même avait un garçon, beaucoup plus jeune que ma sœur et moi. Il se mêlait de ce qui ne le regardait pas, nous faisait des remarques négatives sur notre mode de vie. Comme il était assez souvent à la maison, c’était tendu.» C’est avec plaisir qu’il l’a vu disparaître de sa vie.
Ne pas critiquer l’autre parent, ne pas utiliser son propre fils ou sa propre fille comme une munition pour se venger de l’autre en restreignant par exemple son droit de visite, ne pas faire de son enfant son porte-parole pour régler des histoires d’argent et de pension, continuer de se parler et même de se voir à certaines occasions, continuer à agir et à communiquer comme un couple de parents sont quelquesuns des conseils entendus dans la bouche des professionnels et des enfants interrogés. «La chose essentielle à dire aux parents est: “C’est de votre manière d’être que va dépendre le bien-être de votre enfant”», plaide Marie-Dominique Genoud. Plus facile à dire qu’à faire? Sans doute. Mais au nom de ce qui fut vécu, et sublimé dans une naissance, cela vaut la peine d’y mettre du cœur.

*Prénom modifié.

STEVEN, 17 ANS

«C’était le ciel bleu et d’un coup, ils ont divorcé»

«C’est arrivé d’un coup. Ma sœur jumelle et moi, nous n’avons rien vu arriver. Il n’y avait pas de disputes, le ciel était bleu et puis mon père est parti. Nos parents ne nous ont rien dit, nous étions dans le flou le plus total.» Cela fait maintenant neuf ans que le père et la mère de ce Genevois ont divorcé. Les deux premières années qui ont suivi le départ de son papa «pour une autre», Steven a passé une longue période sans le voir. «Avec ma mère, nous sommes repartis dans son pays d’origine, la Thaïlande. Mais là-bas, elle n’avait pas de travail, donc pas d’argent. Nous avons vécu une année de galère financière. Nous sommes revenus.» Vers 11 ans, le jeune homme commence à aller chez son père. «Il venait également de temps en temps à la maison.» Sa mère trouve un emploi. «C’est le changement le plus positif du divorce. Elle ne travaillait pas. Aujourd’hui, elle aime son activité.»

Il a tout de même fallu quelques années à ce passionné de football pour s’ouvrir, accepter sa nouvelle situation et se sentir bien. C’est grâce à l’aide d’une assistante sociale de son école, vers laquelle il a été dirigé à cause de son comportement, qu’il s’est senti mieux et qu’il a arrêté de se braquer contre sa mère. «Je vivais très mal le divorce de mes parents, mais je n’en parlais à personne. J’ai redoublé une année.» Aujourd’hui, Steven trouve sa situation «ok», même s’il en veut encore à son père qui vit avec celle pour laquelle il a quitté sa famille. Que pense-t-il d’elle? «C’était la haine. Maintenant, j’ai plus de compréhension. Cela fait six mois que je ne l’ai pas vue, car je ne pense pas vraiment à aller chez mon père. C’est lui qui vient régulièrement chez ma mère pour s’occuper de nous. Il habite dans une autre ville, à 30 minutes en voiture. Mes copains, eux, sont ici.»

 

MAURANE, 18 ANS, MÉLISSA, 16 ANS

«Nous avons appris à encaisser les coups durs»
Des souvenirs de la séparation de leurs parents, ces deux sœurs fribourgeoises n’en ont pas. Elles avaient alors 6 et 4 ans. Maurane: «On ne se rendait pas compte de ce qui se passait. C’est notre mère qui nous a raconté, plus tard, que l’on a pleuré pendant des mois. Mais je n’ai pas de souvenirs d’avoir été triste.» Les fillettes restent avec leur mère; leur père, lui, revient parfois à la maison pour s’occuper d’elles. Au bout d’une année, les choses s’organisent: un week-end sur deux et tous les mardis soir chez papa. Aujourd’hui, leurs parents entretiennent de bonnes relations. Ils passent les fêtes de famille ensemble, mangent parfois avec leurs deux filles qui n’arrivent pas à les imaginer ensemble. Mélissa: «Nous avons fait un voyage de 4 jours il y a deux ans. Un jour de plus et ils se seraient entretués. Autant qu’ils restent amis, qu’ils n’essaient pas de se remettre ensemble. Chez nos parents, la séparation c’est la réconciliation.» Au fil des années, les deux gymnasiennes ont appris à voir les bons côtés de leur situation. Maurane: «Chez maman, c’est plus strict et nous avons moins de liberté. Mais si on était toujours chez papa, nous serions obèses – nous mangeons souvent devant la télé – et nous aurions eu tous les jouets du monde, donc nous serions trop gâtées.» Leur équilibre, elles le trouvent grâce au fait d’habiter chez l’un et chez l’autre. Mélissa: «Mais c’est depuis peu que nous nous disons cela.» Ce qu’elles ont appris de la séparation de leurs parents? Mélissa: «Dans la vie, il y aura encore beaucoup de choses qui vont nous arriver. On a appris à encaisser les coups durs.»

 

NATHALIE FERNANDEZ, 33 ANS

«C’est plus la disparition de ma famille recomposée qui m’a marquée»
Le divorce de ses parents, cette Vaudoise dit ne pas en avoir souffert beaucoup. «Avec le recul, tout devient neutre.» Elle avait 4 ans lorsque ses parents, qui ne s’entendaient plus, sont partis chacun de leur côté. Elle reste avec sa mère et ne voit son père que sporadiquement. «Il était Espagnol, de la génération de ces hommes pour qui s’occuper des enfants était une affaire de femmes. Je le soupçonne d’avoir été complètement démuni.» Lorsqu’elle a 9 ans, les contacts deviennent plus réguliers: elle passe un week-end sur deux chez son père. Sa mère a refait sa vie depuis six mois. «J’ai utilisé le fait que mon père était exclu de ce nouveau noyau familial pour me réfugier auprès de lui lorsque j’avais des problèmes avec ma mère et son ami. Il était très attentif et tendait une oreille compatissante. Il aimait encore maman.» Bien plus que le divorce de ses parents, c’est la disparition brutale de personnes qui ont tenu une place importante dans sa vie qui l’a traumatisée. «L’ami de ma mère a vécu quinze ans avec nous et ça s’est mal terminé. Il avait trois enfants de mon âge, nous avons grandi ensemble, mais nous ne nous voyons plus. Cela fait mal, car on s’attache. On vit l’intimité,
on partage des moments forts et du jour au lendemain, hop, ils repartent… Parfois je suis triste en pensant à cet homme. Il m’a apporté beaucoup dans ma vie.» A ses yeux, rien ne remplace le lien du sang. «C’est beaucoup plus fort.» Sa vision du couple? «J’accepte sa réalité, je suis plus tolérante. Je sais également que ce n’est pas forcément pour la vie. Si ça ne joue pas, ça ne fait rien. Ce qui compte, c’est de ne pas s’empêcher de vivre les choses. Il faut se lancer!»

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