Sabine Pirolt

Journaliste reporter

Liverpool: la métamorphose du vilain petit canard

Nommée Capitale européenne de la culture, Liverpool est saisie d'une fièvre bétonnière sans pareille.

Renouveau «Regeneration» et «refurbish» sont deux termes qui sont sur toutes les lèvres à Liverpool.

Une ruche. Voilà à quoi ressemble le nouveau quartier qui est en train de naître au cœur de Liverpool, à quelques centaines de mètres du fameux estuaire de la Mersey, non loin des Docks. Une trentaine de bâtiments qui surgissent de terre comme des champignons après la pluie. Et partout des ouvriers qui s’activent, casques jaune fluorescent et vestes de la même couleur. Ils sont mille cinq cents à cons¬truire le complexe de Liverpool One, un projet devisé à un milliard de livres sterlings, soit plus de deux milliards de francs. Le résultat? Une surface de 170 000 mètres carrés qui accueillera cent soixante magasins, six cents appartements, deux hôtels, quatorze salles de cinéma, une foison de bars et de restaurants et un parc de plus de 20 000 mètres carrés. Vingt-cinq architectes du monde entier ont planché sur le projet, dont Cesar Pelli, qui a dessiné la fameuse tour Petronas de Kuala Lumpur. Une première partie de cette ville dans la ville sera inaugurée le 29 mai, la deuxième le sera au mois de septembre. Directrice générale de Liverpool One, Joanne Jennings explique: «C’est un projet unique en Europe, le plus grand chantier de Liverpool, une ville qui est en pleine régénération. Notre but: que Liverpool devienne une des cinq villes les plus visitées d’Angleterre. Actuellement, elle est en quinzième position. La réputation de Liverpool va changer.» Cette Irlandaise sait de quoi elle parle puisqu’elle a été nommée à la tête d’une entreprise chargée de redorer le blason de Belfast, après le processus de paix.

Cliché 
De fait, le combat à mener contre la réputation désastreuse de la ville commence surtout à l’intérieur du pays. Lorsque la nouvelle de la nomination de Liverpool comme capitale européenne est tombée, les journalistes de la presse nationale ont éclaté de rire. Le cliché de ville pauvre, délabrée, rongée par la criminalité et l’alcoolisme a la vie dure. Premier port maritime international de l’Empire britannique et port transatlantique le plus en vue du XVIIIe au début du XXe siècle, Liverpool a de beaux restes, dont d’imposants bâtiments qui ont un curieux air d’empire soviétique. Côté accueil, les autorités de la ville ont formé cinq mille bénévoles chargés d’orienter les touristes. A la tête de Liverpool Welcome, Neil Peterson explique: «En janvier, Liverpool a été la ville du monde la plus fréquemment entrée dans le moteur de recherche Google. Nous attendons un surplus de 1,7 million de visiteurs.»

Régénération
Une fièvre bétonnière s’est emparée de la ville: promoteurs et investisseurs croient en elle. Ils ont deux mots à la bouche: «regeneration» et «refurbish» (rénover), comme Martin Wright, directeur du département développement de Liverpool Vision, une entreprise qui met en rapport pourvoyeurs de fonds et autorités publiques. Il estime à quatre milliards de livres, soit plus de huit milliards de francs suisses, la somme investie dans le centre de la ville. Mi-février, José Palma Andrés, à la tête de la direction générale de la politique régionale de l’Union européenne, annonçait une manne de quelque 460 millions de francs pour la région. Martin Wright estime que la stabilité politique qui prévaut à Liverpool ? une ville dirigée par les libéraux démocrates ? est un facteur déterminant pour les investisseurs. Il parie sur un repeuplement du centre de la ville, déserté depuis des années déjà: «On compte quelque 14 000 habitants au centre de la ville. Notre but est d’arriver à 30 000.»

A quelques minutes à pied de son bureau, à deux pas des Docks ? anciens entrepôts de briques rouges qui abritent aujourd’hui boutiques, galeries, restaurants et bars ? un autre bâtiment symbolise le renouveau de Liverpool: l’Arena et le Convention Centre. Le complexe se dore au soleil, au bord de l’estuaire de la Mersey, vaste bras de mer aux eaux brun-vert. Si le centre de congrès est en passe d’être terminé, l’Arena ? dix mille places assises ? a été inaugurée à la mi-janvier. L’ex-Beatles Ringo Starr y a donné un concert, à l’occasion du premier grand festival en l’honneur de Liverpool, Capitale européenne de la culture. Sept cents autres artistes y ont participé. Au programme pour les semaines à venir: Coldplay, Bryan Adams, le Cirque du Soleil. Son directeur financier, Gerald Andrews, un homme aussi jovial qu’accueillant, se frotte les mains: les réservations vont bon train. «Le 6 novembre, nous accueillerons la remise des MTV Awards pour l’Europe. Une sacrée publicité pour nous.»

Capitale européenne de la culture, la ville qui a vu naître les Beatles ne pouvait envisager de passer l’année sans la réouverture du Bluecoat, un centre culturel sis dans un des plus vieux bâtiments de la ville. Fermé durant trois ans, ce temple de l’art sous toutes ses formes sera inauguré le 15 mars. Quelque vingt-sept millions de francs ont été consacrés à sa rénovation. Retour aux sources, Yoko Ono ? elle est venue une première fois en 1967 ? y présentera une performance début avril. La veuve de John Lennon dit être tombée amoureuse de la ville dès sa première visite: «La première chose qui m’a frappé est la beauté et l’élégance de cette ville au bord de l’eau.» Yes indeed…

 

 

Téléchargez le pdf Paru le 13/03/2008 dans l'Hebdo