Sabine Pirolt

Journaliste reporter
Enquête

Sandalettes et collants couleur peau font-ils bon ménage?

Friedrun Burkhalter a osé lors de la visite de Hollande en Suisse. Quoi donc? Des collants avec des sandalettes! Abominable fashion faux pas? Au printemps, la question est d’actualité. Réponses des pros.

Sandalettes et collants couleur peau font-ils bon ménage?

TENUE En enfilant des collants bien visibles avec des sandalettes, l’épouse de Didier Burkhalter (en jaune) lance un débat essentiel pour les femmes à cette période de l’année.

La photo de la robe jaune à motifs fleurs que Friedrun Burkhalter portait lors de la réception en l’honneur de François Hollande a fait jaser. Pourtant, un détail bien plus concernant a frappé nombre de femmes: l’épouse du ministre des Affaires étrangères pose en collants avec des sandalettes. Friedrun a-t-elle vraiment commis une faute de goût? A l’époque de l’année où grandit l’envie d’enfiler une jupe ou une robe, mais où les jambes sont encore blanches et les matinées fraîches, la question est capitale pour beaucoup de femmes. L’Hebdo a mené l’enquête.

Qui est mieux placé que des fabricants de bas pour commenter l’alliage sandalettes- collants à la Friedrun? Responsable marketing chez Le Bourget, Aurélie Moreau est catégorique: «Ce n’est pas un fashion faux pas si l’on choisit bien son modèle. Il doit respecter la carnation de la peau. Nous avons des produits poudrés, totalement invisibles, qui sont l’équivalent d’un fond de teint pour la jambe. Ils lui donnent un effet bonne mine. Ils sont d’ailleurs inspirés de la gamme des cosmétiques. De plus, la couture est invisible, car placée sous les orteils.» Ce n’est, hélas, pas le type de collant porté par l’épouse de Didier Burkhalter. «Le sien est épais. C’est un modèle pour l’hiver. Il brille et a la pointe renforcée.» Et Aurélie Moreau d’enchaîner sur la difficulté qu’éprouvent de nombreuses femmes à assumer leurs jambes. «Nous le savons grâce aux études que nous réalisons. Le collant leur donne confiance en elles. La cliente qui a la peau claire a besoin de se rassurer.»

Autre solution pour celles qui ne seraient pas convaincues par le fond de teint pour gambettes? Le toeless, ou modèle qui s’arrête à la naissance des orteils et reste en place, grâce à un point couture entre les doigts de pieds. Avec des souliers ouverts sur le devant, ils donnent l’illusion d’avoir la jambe nue, tout en masquant les imperfections. «Pour la dame à la robe flashy, avec un beau vernis rouge, cela aurait été bluffant!» On l’aura compris, Friedrun mérite le carton jaune. Mais tout n’est pas perdu! En matière vestimentaire, les avis divergent, c’est bien connu. Tournons-nous vers le fabricant autrichien Wolford, maître de la qualité et de l’élégance. La question est d’importance et c’est le directeur général de Wolford France, Yves Michel, qui y répond. «Nous ne dirions pas à une cliente qu’elle commet un fashion faux pas si elle veut porter de tels collants avec des sandalettes. Nous laissons libre cours au freestyle.» Et de rappeler que tout n’est pas coulé dans le bronze et qu’il n’existe pas de vérités universelles. Ces dernières sont culturelles et temporelles. «Si demain une «trendsetteuse» se met à porter n’importe quoi, un grand nombre de personnes feront de même. Kim Kardashian en a fait la démonstration époustouflante.»

Friedrun la freestyleuse
Oui, mais Friedrun n’est pas Kim! A-t-elle fait un fashion faux pas, oui ou non? «En ce qui nous concerne, nous n’aurions pas proposé ce collant, mais un toeless, plus élégant et raffiné.» Et d’évoquer encore les modèles skin tones, disponibles en douze nuances, un produit qui donne l’impression d’avoir une jambe nue. A la boutique Wolford de Lausanne, la vendeuse, elle, est moins diplomate lorsqu’elle découvre la photo ci-contre. «Ces collants, trop poudrés, avec ces sandalettes, ça fait un peu tache!» Nous voilà fixés.

N’y a-t-il donc personne pour sauver Friedrun la «freestyleuse» et toutes les femmes tentées par cette figure? Et si, finalement, tout n’était qu’une affaire de Röstigraben? Franchissons-le et soumettons le sujet à Henriette Kuhrt, experte ès styles de la NZZ, qui répond tous les dimanches aux interrogations des lecteurs en matière vestimentaire. «Les bas couleur peau paraissent tout à fait idiots dans des sandales, car, en principe, ils doivent donner l’illusion des jambes nues et dans ce cas justement, l’on aperçoit la couture au bout du pied.» Cruel verdict. A ce stade, les professionnels du look semblent ligués contre Friedrun. Et les responsables du protocole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE)? Osons la question: «Le port de collant avec des sandalettes estil permis?» Ce n’est pas interdit, répond sobrement le DFAE. Mais pourquoi ne fait-on pas mention des souliers et collants à porter pour les tenues féminines, alors que ce détail est réglé pour les hommes (chaussettes hautes, chaussures assorties)? «Probablement parce que l’on part de l’idée que cela va de soi que les femmes portent des chaussures et des bas assortis à leur tenue.»

Téléchargez le pdf Paru dans l'hebdo du 30.04.2015